Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

mardi 29 septembre 2009

Alain Mabanckou, invité d’honneur du salon du livre de L’Haÿ-les-Roses


La ville de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne, 30 000 habitants) veut « créer l’évènement » – c’est le maire Patrick Sève qui l’écrit – avec la deuxième édition de son salon du livre, du 2 au 4 octobre.

Et elle s’en donne les moyens : quelque 200 auteurs et une soixantaine de maisons d’édition se donnent rendez-vous au Moulin de la Bièvre sur le thème de « la culture des sens et le sens des cultures », sous la présidence de Suzanne Varga (prix de l’Acadamie française pour sa biographie du dramaturge et poète espagnol Félix Lope de Vega), et avec pour invités d’honneur l’écrivain Alain Mabanckou (Black Bazar) et l’historien François Durpaire (La Révolution antillaise).

Voici quelques temps forts de ce long week-end consacré au livre et aux sens :

Le vendredi 2 octobre. Conférence : « Aujourd’hui… les Antilles ! La force de regarder demain ! Aimé Césaire… », avec notamment les écrivains guadeloupéen et martiniquais Ernest Pépin et Suzanne Dracius.

Le samedi 3 octobre. Rencontre avec Sérigne M. Guèye, auteur des Derniers de la rue Ponty, plus connu sous son nom de rappeur Disiz La Peste, sur le thème « De la musique à l’écriture ». L’auteur sera interrogé par Eugénie Diecky, de la radio Africa N°1.

Le dimanche 4 octobre. Série de conférences sur des thèmes comme « Guérir par la lecture et par les sens », « Les sens à table », « Les sens célèbrent le corps : du sacré au profane ».

Bien entendu, en-dehors des conférences et des rencontres inscrites sur le programme, de nombreux auteurs seront là pour des moments de rencontre avec les lecteurs et des séances de dédicaces : parmi eux, Abdourahman Waberi (Djibouti), Doumbi Fakoly (Mali), Gaston Kelman (Cameroun), Mamadou N’Dongo (Sénégal), et bien sûr Alain Mabanckou (Congo-Brazzaville) qui parlera de son dernier ouvrage, Black Bazar, le dimanche à partir de 14 heures…

Toute la programmation ici : http://www.lhaylesroses.fr/



Salon du livre de L’Haÿ-les-Roses
Du vendredi 2 octobre (à partir de 17 heures) au dimanche 4 octobre (jusqu’à 21 heures)
Moulin de la Bièvre - 73, avenue Larroumès - 94240 L’Haÿ-les-Roses

« L’Hibiscus pourpre », de Chimamanda Ngozi Adichie


Il semble que le Nigeria regorge de bonnes plumes. On connaissait les classiques Chinua Achebe (Le monde s’effondre, 1958) et Wole Soyinka (Les Interprètes, 1965) ; on a découvert récemment le talentueux Biyi Bandele (La Drôle et Triste Histoire du soldat Banana, 2007) ; avec un peu de retard, je viens de lire le premier roman de l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie, L’Hibiscus pourpre (2003).

Et ce livre m’a laissé une forte impression. Il met en scène Kambili, 15 ans, adolescente sérieuse comme une enfant, jeune fille modèle élevée dans l’adoration respectueuse d’un père érigé en icône de vertu : propriétaire d’usines de biscuits et de boissons, mais aussi du seul journal du pays qui ose s’opposer à la junte militaire arrivée au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, c’est un notable généreux avec son entourage, un catholique fervent – « pur produit du colonialisme », disent certains –, soucieux d’éduquer ses deux enfants – Kambili et son frère Jaja, 17 ans – dans la foi de Dieu, la crainte de l’Enfer et le surpassement de soi. Un souci de droiture qui confine à la tyrannie.

De fait, si le « je » du roman est celui de la jeune fille, son point de vue reflète les schémas de pensée du père, omniprésent dans la vie de Kambili : œil qui la suit partout, sur les bancs du collège comme dans la concession du grand-père paternel, un « païen » sinon renié du moins boycotté par son fils pour avoir refusé d’épouser le christianisme et d’abandonner les rites traditionnels de leur ethnie, les Ibos.

Mais un évènement a priori anodin va lézarder l’emprise du père sur ses enfants. Kambili et Jaja partent séjourner quelques jours chez leur tante Ifeoma et ses trois enfants, des cousins qu’ils ne connaissent quasiment pas. Ils y découvrent une vie simple, sans chauffeur ni servante, sans sermon ni gueulante. Sans père aussi : le mari de « Tatie Ifeoma » est mort quelques années plus tôt dans un accident de la route. Les cousins de Kambili grandissent dans un climat de liberté où la jeune fille se sent perdue, désarçonnée, inadaptée. Sa bouche refuse de laisser s’échapper aucun son dans les conversations familiales animées où la répartie et le rire règnent en maîtres ; ses yeux voient son frère s’épanouir comme les fleurs d’hibiscus pour lesquelles il s’est pris de passion, passant le plus clair de ses journées à jardiner ; son cœur se met à battre, pour la première fois, pour un visiteur de la famille qu’il lui est interdit d’aimer, tandis que l’image du père se flétrit imperceptiblement dans sa tête.

Roman en trois actes – le dimanche des Rameaux, avant et après – et un épilogue, L’Hibiscus pourpre, on l’a compris, dénonce, avec beaucoup de subtilité, les abus du dogme – religieux – et les dangers de l’emprise d’une personne sur une autre – du père sur sa fille. C’est aussi un roman initiatique : la Kambili de la fin n’a plus rien de commun avec la jeune fille naïve des débuts. Sous la plume de Chimamanda Ngozi Adichie, on vit avec elle les bouleversements existentiels qui s’opèrent avec plus ou moins de brutalité : l’écriture de la romancière, sensible et émouvante, nous mène au plus près du ressenti de l’adolescente… avec bien trop de précision, de nuance, de complexité et de talent pour que le texte vire à la littérature adolescente, justement.

Enfin, le tableau ne serait pas complet si je ne mentionnais pas, en arrière-plan, la description tout en finesse de la société nigériane dans sa diversité, ses inégalités et les difficultés auxquelles une partie est confrontée – coupures de courant, pénurie d’essence, etc. – et, en détails, les mots en ibo et les mets dépeints par l’auteure pour la mise en scène des situations quotidiennes. Bref, tout est réuni pour faire de L’Hibiscus pourpre un roman véritablement absorbant.

L’Hibiscus pourpre
Titre original : Purple Hibiscus (2003)
de Chimamanda Ngozi Adichie
traduit de l’anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal
Editions Anne Carrière, 2004
416 p., 20,99 euros


D’autres chroniques de L’Hibiscus pourpre sur les blogs La Mer à lire et Sanaga Pérégrinations.

Kossi Efoui lauréat du prix des Cinq continents de la Francophonie


Décidément, il faudra que je me décide à lire Solo d’un revenant (Seuil, 2008), le troisième roman de l’écrivain togolais Kossi Efoui. Les jurys littéraires l’ont définitivement adoubé : après le prix Tropiques et le prix Ahmadou-Kourouma, le voilà qui vient de décrocher le prix des Cinq continents de la Francophonie !

Dans Solo d’un revenant, explique l'éditeur, « le narrateur revient dans son pays après dix ans de massacres. Ce faisant, il cherche à comprendre comment son ami Mozaya est mort, et à retrouver un certain Asafo Johnson avec lequel il avait fondé une troupe de théâtre en ses années d’étudiant. La vie renaît, hantée par de vieilles et mortelles litanies, ces phrases-talismans qui se recourbent sur elles-mêmes comme la queue du scorpion. »

Le jury a vu dans ce roman un texte « qui remet en cause des évidences en imposant un métissage des genres – fable, théâtre, poésie –, portant sur la cruauté du monde un regard vif et intransigeant ».

Solo d’un revenant
de Kossi Efoui
Seuil, 2008
206 p., 17 euros


Parmi les auteurs sélectionnés figurait aussi Yanick Lahens (Haïti), avec La Couleur de l’aube (Sabine Wespieser éditeur, 2008).

Source : Organisation internationale de la Francophonie

jeudi 17 septembre 2009

Laferrière toujours (Femina), Awumey s’y met (Goncourt)


L’annonce des premières sélections des prix littéraires d’automne continue. Après le Médicis et le Renaudot, c’est au tour du Femina et du Goncourt. L’écrivain haïtien Dany Laferrière, auteur de L’Enigme du retour (Grasset), désormais incontournable (il est également sélectionné pour le Médicis et le Wepler-Fondation La Poste), figure parmi les candidats au prix Femina. Quant à Edem Awumey (Togo), il est en lice pour le plus prestigieux prix littéraire français, le Goncourt, avec Les Pieds sales (Seuil).

L’Enigme du retour
de Dany Laferrière
Grasset, 2009
300 p., 18 euros


Présentation de l’éditeur :
On retrouve dans ce livre le personnage de l'écrivain qui ne fait apparemment rien que prendre des bains dans son appartement à Montréal. Un matin, on lui téléphone : son père vient de mourir. Son père qui avait été exilé d'Haïti par le dictateur Papa Doc, comme le narrateur, des années plus tard, l'avait été par son fils, le non moins dictatorial Bébé Doc. C'est l'occasion pour lui d'un voyage initiatique à rebours. Il part d'abord vers le Nord, comme s'il voulait paradoxalement fuir son passé, puis gagne Haïti pour les funérailles de son père. Accompagné d'un neveu, il parcourt son île natale dans un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui le mène sur les traces de son passé, de ses origines. Mais revient-on jamais chez soi ?

Les Pieds sales
d’Edem Awumey
Seuil, 2009
168 p., 17 euros

Présentation de l’éditeur :
De sa petite enfance, Askia n'a conservé en mémoire qu'une image quasi biblique : son père, sa mère, un âne et lui, marchant sans fin dans la poussière. Il avait 5 ans. « Longtemps, nous avons été sur les routes, mon fils. Et partout, on nous a appelés les pieds sales. Si tu partais, tu comprendrais. » Répondant à cette injonction maternelle, Askia est parti à Paris où il est devenu chauffeur de taxi. Ses passagers qui l'épient dans le rétroviseur lui trouvent quelquefois une ressemblance frappante avec un certain « homme à turban » qui fut peut-être son père. Ce père qu'il recherche, Sidi Ben Sylla Mohammed, et que tout le monde croit avoir vu quelque part.

Actualisation du 6 octobre 2009 : Finalement, Edem Awumey n'a pas été retenu dans la deuxième sélection du prix Goncourt.

A noter également : la Française Marie Ndiaye (sœur de l’historien Pap Ndiaye) est elle aussi sélectionnée pour le prix Goncourt avec Trois femmes puissantes (Gallimard), un roman très remarqué qui se déroule entre les deux pays d'origine de l'auteure, la France et le Sénégal.

Trois femmes puissantes
de Marie Ndiaye
Gallimard, 2009
316 p., 19 euros


Présentation de l’éditeur :
Trois récits, trois femmes qui disent non. Elles s’appellent Norah, Fanta, Khady Demba. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible.





Lire les premières sélections 2009 des prix Femina et Goncourt.

lundi 14 septembre 2009

Le Médicis pour Laferrière, le Wepler pour Trouillot ?


Les jurys des prix Médicis, Renaudot et Wepler-Fondation La Poste ont dévoilé leurs premières sélections 2009. On y retrouve deux écrivains haïtiens qui ont fait une rentrée littéraire remarquée. Dany Laferrière, auteur de L’Enigme du retour (Grasset), est sélectionné pour le Médicis et le Wepler-La Poste ; Lyonel Trouillot, avec Yanvalou pour Charlie (Actes Sud), pour le prix Wepler-La Poste.

L’Enigme du retour
de Dany Laferrière
Grasset, 2009
300 p., 18 euros

Présentation de l’éditeur :
On retrouve dans ce livre le personnage de l'écrivain qui ne fait apparemment rien que prendre des bains dans son appartement à Montréal. Un matin, on lui téléphone : son père vient de mourir. Son père qui avait été exilé d'Haïti par le dictateur Papa Doc, comme le narrateur, des années plus tard, l'avait été par son fils, le non moins dictatorial Bébé Doc. C'est l'occasion pour lui d'un voyage initiatique à rebours. Il part d'abord vers le Nord, comme s'il voulait paradoxalement fuir son passé, puis gagne Haïti pour les funérailles de son père. Accompagné d'un neveu, il parcourt son île natale dans un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui le mène sur les traces de son passé, de ses origines. Mais revient-on jamais chez soi ?

Yanvalou pour Charlie
de Lyonel Trouillot
Actes Sud, 2009
176 p., 18 euros


Présentation de l’éditeur :
Au prix du cynisme, Mathurin D. Saint-Fort a cru pouvoir effacer de sa mémoire les souffrances d'un passé qu'il s'emploie à renier pour se placer toujours davantage du bon côté de l'existence. Jusqu'au jour où fait irruption dans la vie de l'avocat ambitieux qu'il est devenu, un adolescent loqueteux. Charlie, en absolue détresse, vient lui demander de l'aide au nom des attachements de jadis.




Lire les premières sélections du prix Médicis, du prix Renaudot et du prix Wepler-Fondation La Poste.

jeudi 10 septembre 2009

Quelques romans de la rentrée littéraire 2009 (suite)


Vacances terminées ! Je reviens comme je suis parti, en vous proposant quatre bouquins de la rentrée littéraire qui m’avaient échappé : Les Petits de la guenon, de Boubacar Boris Diop (Sénégal), Les Aubes écarlates, de Léonora Miano (Cameroun), Les Pieds sales, d’Edem Awumey (Togo), et Le Sari vert, d’Ananda Devi (Maurice).

Les Petits de la guenon
de Boubacar Boris Diop
éd. Philippe Rey, 2009
437 p., 19,50 euros


Présentation de l'éditeur :
Au soir de sa vie, Nguirane Faye souffre d'être sans nouvelles de son petit-fils Badou, émigré dans quelque lointain pays étranger. Ils ne se reverront plus, il le sait. Il décide alors de tout lui raconter dans sept carnets que le jeune homme trouvera à son retour à Niarela. Mais ce qui devait être une simple relation de la vie quotidienne d'un quartier dakarois devient peu à peu une fiction foisonnante. Nguirane Faye dresse le bilan de sa propre vie et nous fait découvrir, par un subtil croisement des récits, l'histoire de ses aïeux, les royaumes anciens, les grands écrivains wolofs et le Sénégal d'aujourd'hui.


Les Aubes écarlates
de Léonora Miano
Plon, 2009
274 p., 18,90 euros

Présentation de l'éditeur :
Epa a été enrôlé de force dans les troupes d'Isilo, un mégalomane qui rêve de rendre sa grandeur à toute une région de l'Afrique équatoriale. Emmené au cœur d'une zone isolée, il découvre qu'il est entouré de présences mystérieuses : plusieurs fois, il aperçoit des ombres enchaînées demander réparation pour les crimes du passé. Sur tout le continent, les esprits des disparus de la traite négrière distillent l'amertume et la folie en attendant que justice leur soit rendue... Parvenant à s'échapper, Epa retrouve Ayané, une fille énigmatique et attentionnée qui l'aide à reprendre goût à la vie.



Les Pieds sales
d’Edem Awumey
Seuil, 2009
168 p., 17 euros

Présentation de l’éditeur :
De sa petite enfance, Askia n'a conservé en mémoire qu'une image quasi biblique : son père, sa mère, un âne et lui, marchant sans fin dans la poussière. Il avait 5 ans. « Longtemps, nous avons été sur les routes, mon fils. Et partout, on nous a appelés les pieds sales. Si tu partais, tu comprendrais. » Répondant à cette injonction maternelle, Askia est parti à Paris où il est devenu chauffeur de taxi. Ses passagers qui l'épient dans le rétroviseur lui trouvent quelquefois une ressemblance frappante avec un certain « homme à turban » qui fut peut-être son père. Ce père qu'il recherche, Sidi Ben Sylla Mohammed, et que tout le monde croit avoir vu quelque part.


Le Sari vert
d’Ananda Devi
Gallimard, 2009
214 p., 16,50 euros

Présentation de l’éditeur :
Dans une maison de Curepipe, sur l'île Maurice, un vieux médecin à l'agonie est veillé par sa fille et par sa petite-fille. Entre elles et lui se tisse un dialogue d'une violence extrême, où affleurent progressivement des éléments du passé, des souvenirs, des reproches, et surtout la figure mystérieuse de la mère de Kitty, l'épouse du « Dokter-Dieu », qui a disparu dans des circonstances terribles. Elles ne le laisseront pas partir en paix.