Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

mardi 24 novembre 2009

« Les Derniers de la rue Ponty », de Sérigne M. Gueye


C’est un livre qui ne pouvait pas laisser insensible ma curiosité. D’une part parce qu’il se déroule à Dakar, ville dans laquelle j’ai eu la chance de séjourner assez longuement. D’autre part parce que son auteur, Sérigne Mbaye Guèye, est plus connu sous son nom de rappeur, Disiz La Peste, et que j’ai moi-même, avant de m’intéresser à la littérature, touché brièvement au rap (pour les plus curieux, quelques morceaux sont en écoute ici). Bref, j’étais curieux d’observer le passage à l’écriture romanesque de l’amoureux des mots qu’un rappeur ne peut manquer d’être.

Avant de commencer la lecture des Derniers de la rue Ponty, j’ai entendu une critique plutôt négative d’Eric Naulleau, sur France 5, disant notamment que ce livre ne répondait pas aux attentes que suscite tout premier roman (on retrouve des propos similaires sur une vidéo de l’émission « On n’est pas couché », sur France 2). Personnellement, je ne ferai pas mien ce reproche, au contraire. Pour tout dire, j’ai été conquis.

Certes, je manque peut-être d’objectivité. Les Derniers de la rue Ponty ont trouvé en moi un terreau favorable. Car ce roman, écrit par un auteur français d’origine belgo-sénégalaise, évoque de nombreux lieux incontournables de la presqu’île du Cap-Vert – la place de l’Indépendance, la plage des Mamelles, l’île de Ngor… – et, partant, flatte les souvenirs de tout lecteur un peu familier de Dakar.

Le héros du livre, Gabriel, se trouve lui-même dans la capitale sénégalaise en tant que « visiteur ». Un visiteur un peu particulier, cependant, puisqu’il est un « ange » venu de France et envoyé là en mission après la mort de Camille, sa compagne. Cette mort le hante et, pour conjurer le sort, un marabout lui donne pour mission de sauver deux existences. Il prendra alors sous son aile deux femmes croisées au cours de ses pérégrinations dans Dakar : Salie, une jeune et belle métisse d’origine franco-sénégalaise, cheveux décolorés et vêtements flashy style années 80, perdue, sans parents, sans avenir ; et Emma, une Française au cœur fané, qui a perdu la foi en même temps que l’espoir d’avoir un jour un enfant.

Parallèlement, d’autres destins peuplent la ville et l’histoire des Derniers de la rue Ponty : Alioune, jeune vendeur de téléphones du marché Sandaga, candidat à l’émigration clandestine et séducteur invétéré, tombe sous le charme de la sublime, envoûtante et si indépendante Miyidima. Ces destins croiseront bientôt ceux de Salie et Emma, sans que jamais les personnages ne se rencontrent.

Ce livre peut paraître au premier abord un peu « angélique ». Il n’en est rien. Page après page, on est happé par les destinées de personnages auxquels on ne peut rester insensible : destinées tour à tour magiques et terribles, les yeux scintillent puis s’embuent. Avec une écriture à la fois classique et lumineuse, très pure et parsemée de belles trouvailles, Sérigne M. Gueye nous immerge dans un monde potentiellement beau, souvent dur, certainement complexe, où l’existence de chacun est intimement liée à celle des autres… et dont l’équilibre, hélas, se nourrit autant de joies que de peines.

Une histoire captivante, une écriture saisissante, un regard sur le monde : Les Derniers de la rue Ponty ont tout pour être un bon premier roman. Le passage du rap à la littérature est réussi.

Les Derniers de la rue Ponty
de Sérigne M. Gueye
Naïve, 2009
219 p., 18 euros

Sérigne Mbaye Guèye est né en 1978 à Amiens, d’une mère belge et d’un père sénégalais. Il s’est fait connaître comme rappeur sous le nom de Disiz La Peste, au sein du groupe Rimeurs à gages, mais c’est la bande originale du film Taxi 2, début 2000, qui l’a révélé au grand public. Suivront quatre albums solo : Le Poisson rouge (2000), Jeu de société (2003), Les Histoires extraordinaires d’un jeune de banlieue (2005) et Disiz The End (2009). Le titre de ce dernier album semble indiquer la fin de sa carrière de rappeur. A noter : avant de reprendre son nom de naissance pour signer son premier roman, Sérigne Mbaye a sorti plusieurs cassettes au Sénégal sous ce nom.


Et pour finir, je ne résiste pas à l’envie de passer un clip du dernier album de Disiz. La chanson s’appelle « Bête de bombe 4 » et, vous le verrez, est pleine de dérision…


Disiz - Bête de Bombe 4
envoyé par DISIZ-OFFICIAL. - Regardez d'autres vidéos de musique.

dimanche 22 novembre 2009

Marie Ndiaye, René Maran : les « scandales » du prix Goncourt


La polémique autour de Marie Ndiaye, lauréate du prix Goncourt avec Trois femmes puissantes (Gallimard, 2009), est heureusement vite retombée. Elle n’avait pas lieu d’être, et n’aurait même pas dû naître. Il s’est hélas trouvé un député UMP assez réac’ et ridicule, Eric Raoult, pour avoir estimé scandaleux qu’une auteure ayant jugé « monstrueuse » la France de Nicolas Sarkozy, quelques mois plus tôt dans une interview au magazine Les Inrockuptibles, obtienne le plus prestigieux prix littéraire français. Doublement ridicule : un écrivain n’est tenu à aucun devoir de réserve ni de « modération » ; et quand bien même il souhaiterait s’autocensurer, on ne voit guère comment il exercerait cette « modération » sur des propos tenus avant l’obtention du prix…

En fait, il semblerait qu'Eric Raoult se fasse une idée de la liberté d’expression plus rétrograde qu’« au temps béni des colonies ». Car en 1921, le lauréat du prix Goncourt, René Maran, premier écrivain noir à l’obtenir, n’était pas très amène vis-à-vis de la politique française : précisément, c’était l’administration coloniale qu’il épinglait dans le roman primé, Batouala, « véritable roman nègre ». Et, tout fonctionnaire en Afrique équatoriale française (AEF) qu’il était, personne ne pensa à lui refuser le Goncourt au nom d’un manquement à un éventuel « droit de réserve », même si René Maran fut contraint de démissionner de son poste. L’affaire fit cependant couler beaucoup d’encre…

Le 14 décembre 1921, les Dix de l’Académie Goncourt attribuèrent donc le 19ème prix Goncourt à Batouala, de l’écrivain d’origine guyanaise René Maran, alors âgé de 34 ans et quasi inconnu dans les milieux littéraires et artistiques métropolitains. Batouala obtint cinq voix contre cinq autres pour Epithalame, de Jacques Chardonne, et n’obtint donc le prix que de justesse, grâce à la voix prépondérante du président Gustave Geffroy. Il faut dire que les opposants à René Maran ne manquaient pas, qui voyaient dans son roman « un livre abominable ». L’auteur le jugeait lui-même « trop noir et non-européen » pour les Français…

Batouala porte le nom d’un vieux chef africain dont le roman raconte l’histoire, avec en trame de fond l’arrivée des Blancs (probablement en Oubangui-Chari, René Maran étant alors fonctionnaire du ministère des colonies à Bangui). Mais plus que l’intrigue, c’est la préface du livre qui déclencha un vent de scandale dans les milieux coloniaux. René Maran s’y livrait à une attaque en règle de la façon dont la France administrait ses colonies, multipliant les abus et les signes de mépris envers les « indigènes ».

Morceau choisi : « La large vie coloniale, si l’on pouvait savoir de quelle quotidienne bassesse elle est faite, on en parlerait moins, on n’en parlerait plus. Elle avilit peu à peu. Rares sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n’ont pas la force de résister à l’ambiance. On s’habitue à l’alcool. » Ou encore : « C’est à redresser tout ce que l’administration désigne sous l’euphémisme d’« errements » que je vous convie. La lutte sera serrée. Vous allez affronter des négriers. »

Des mots forts, écrits sans hésitation sur les premières pages du livre ; des mots durs, bien plus que ceux prononcés par Marie Ndiaye dans Les Inrocks. Malgré le Goncourt et la reconnaissance des cercles littéraires, anticolonialistes ou noirs – Léopold Sédar Senghor fera de René Maran un « précurseur de la Négritude » –, la réaction ne se fit pas attendre : l’administration coloniale interdit la diffusion de Batouala en Afrique.

René Maran, Marie Ndiaye… Deux auteurs, deux époques. En 1921, la préface d’un roman faisait scandale. Aujourd’hui, à l’ère de l’Internet, une petite phrase suscite une indignation somme toute assez artificielle chez ceux qui veulent créer le « buzz ». Mais le pilon a ses beaux jours loin derrière lui. N’en déplaise à Eric Raoult.


A lire :
Batouala
de René Maran
Albin Michel, 1921
250 p., 13,90 euros

jeudi 19 novembre 2009

Lyonel Trouillot lauréat du prix Wepler-Fondation La Poste


Une nouvelle récompense pour la littérature haïtienne. Après le Médicis pour Dany Laferrière, l’écrivain Lyonel Trouillot a décroché le prix Wepler-Fondation La Poste, avec son roman Yanvalou pour Charlie (Actes Sud, 2009). Le prix est doté de 10 000 euros.

Présentation de l’éditeur :
Au prix du cynisme, Mathurin D. Saint-Fort a cru pouvoir effacer de sa mémoire les souffrances d'un passé qu'il s'emploie à renier pour se placer toujours davantage du bon côté de l'existence. Jusqu'au jour où fait irruption dans la vie de l'avocat ambitieux qu'il est devenu, un adolescent loqueteux. Charlie, en absolue détresse, vient lui demander de l'aide au nom des attachements de jadis.

Yanvalou pour Charlie
de Lyonel Trouillot
Actes Sud, 2009
176 p., 18 euros


mardi 17 novembre 2009

« La Fureur des mots » autour d’Aimé Césaire, Paris-14ème


La figure d’Aimé Césaire, homme de lettres et homme politique martiniquais, est au cœur du l’édition 2009 du festival La Fureur des mots, organisé par la mairie du 14ème arrondissement de Paris, du 13 au 29 novembre. La Ville s’apprête d’ailleurs à donner le nom de l’écrivain à la bibliothèque Plaisance, afin de rendre hommage à « l’engagement littéraire » du poète et à « l’action politique contre le colonialisme » du député.

Cet hommage prend plusieurs formes :

- Une exposition des planches originales du livre de Daniel Maximin, Cent poèmes d’Aimé Césaire (Omnibus, 2009), sur les thèmes développés par Aimé Césaire : la Caraïbe natale, la décolonisation des peuples et des esprits, l’amour, la liberté. Bibliothèque Plaisance, jusqu’au 12 décembre. Vernissage le mardi 17 novembre à 18 heures.

- Une lecture du « Discours sur la négritude » que prononça Aimé Césaire lors de la première conférence des peuples noirs de la diaspora, à Miami, en 1987. Bibliothèque Brassens, jeudi 19 novembre à 20 heures.

- Une projection du film Eia pour Césaire !, de Sarah Maldoror, cinéaste d’origine guadeloupéenne. Suivi d’une débat avec Daniel Maximin, George Pau-Langevin, Annick Thébia. L’Entrepot, dimanche 22 novembre à 11 heures.

- Une lecture de textes d’Aimé Césaire, de Léopold Sédar Senghor et de Léon Gontran Damas, autres figures de la Négritude. Hôtel de Massa, mardi 24 novembre à 20 heures.

Contes pour enfants, chasse au trésor à travers les librairies et les bibliothèques, slam, bal littéraire, concours d’écriture avec les écoles, rencontres-dédicaces avec des écrivains… Le programme de La Fureur des mots compte par ailleurs de nombreux rendez-vous. A noter, Danny Laferrière dédicacera L’Enigme du retour le samedi 28 novembre à la librairie Tropiques.

Le programme complet est téléchargeable ici.

La Fureur des mots
Paris-14ème
Du 13 au 29 novembre

dimanche 15 novembre 2009

Janis Otsiemi


Janis Otsiemi est né en 1976 à Franceville, dans la province du Haut-Ogooué, au Gabon. Ancien élève du collège public d’Akébé (aujourd’hui collège Georges-Mabignat), il est actuellement secrétaire général adjoint de l’Union des écrivains gabonais, après un bref passage au gouvernorat de l’Estuaire

Il a publié son premier roman, Tous les chemins mènent à l’Autre (2001), à l’âge de 24 ans, ce qui lui vaudra le prix du Premier roman gabonais. Romancier, poète et essayiste (Guerre de succession au Gabon : Les Prétendants, Edilivre, 2007), Janis Otsiémi a également été lauréat du prix du Centenaire de la naissance du président Léon Mba pour son recueil de poèmes, Chants d’exil. Depuis 2007, Janis Otsiemi se veut l’ambassadeur du « polar de la brousse, tendance social et et urbain », avec deux romans : Peau de balle (2007) et La vie est un sale boulot (2009), et un recueil de nouvelles (La Faute à l’Autre, Edilivre, 2009).

Marié et père de trois enfants, le romancier vit et travaille à Libreville.

A lire :
Tous les chemins mènent à l’Autre, éd. Raponda Walker, 2001
Peau de balle, Editions du Polar, 2007

vendredi 13 novembre 2009

« La vie est un sale boulot », de Janis Otsiemi


C’est le deuxième polar africain que je lis, après La Malédiction du Lamantin, de Moussa Konaté. Il faut dire que leurs éditeurs savent s’y prendre, puisque les deux fois, j’ai été contacté avant même d’avoir eu vent de ces romans. Et tant mieux. Les rayons Afrique des librairies étant peu fourni et se ressemblant souvent – à moins d’aller du côté de Présence africaine ou du musée Dapper –, il est assez bienvenu de se voir « suggérer », par un éditeur ou par un ami, des livres qui nous auraient échappé autrement. Et puis, il faut bien l’avouer, cela fait toujours plaisir de trouver, un beau matin, un bouquin dans sa boîte aux lettres…

Mais revenons à nos moutons, en l’occurrence : La vie est un sale boulot (2009), de l’écrivain gabonais Janis Otsiemi. Où l’on découvre Chicano, fraîchement sorti de prison à la faveur d’une grâce collective – et peut-être d’une erreur d’homonymie –, après trois ans fermes pour un braquage qui avait mal tourné. De retour dans Libreville, notre homme est bien décidé à se ranger, trouver un boulot honnête et éviter les embrouilles mais, évidemment, les anciens « amis » rôdent tandis que la petite copine s’est recasée. Et bientôt, Chicano se retrouvera embarqué dans le coup du siècle…

Peuplée de voyous sans scrupules et de flics ripoux, l’intrigue, quoique classique, est efficace. Et Janis Otsiemi sait lui donner les coups de fouet qui feront rebondir la pelote jusqu’au bout de son fil. De fait, il n’y va pas de main morte, et les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné, dans la chaleur de Libreville, capitale de la magouille à tous les étages – suivez mon regard… L’action est soutenue par un langage qui l’est moins, mais travaillé, ça oui ! Un argot librevillois, un sens de la formule, que n’aurait pas reniés un Frédéric Dard africain…

Mais la comparaison s’arrête là. S’il est vrai que La vie est un sale boulot tient le lecteur en haleine, il faut reconnaître que ce polar manque un peu d’épaisseur. Plus que le nombre de pages (une grosse centaine), c’est la profondeur de l’histoire, la densité de l’ambiance, qui font défaut : elles n’ont pas le temps de s’installer. L’action prend le pas sur tout le reste : à peine effleure-t-on un aspect auquel s’accrocher qu’on passe déjà à autre chose. Certes, on va de surprise en surprise, mais au détriment du suspense… Et Janis Otsiemi ne s’attarde pas trop sur la personnalité des personnages, à vrai dire à peine plus consistants que de simples « individus » dans un procès verbal rédigé à la va-vite.

La vie est un sale boulot
de Janis Otsiemi
éd. Jigal, 2009
137 p., 14 euros


Lire d’autres chroniques de La vie est un sale boulot sur les blogs Ballades et escales en littérature africaine, Moisson noire et Action-Suspense.

jeudi 12 novembre 2009

Amadou Hampâté Bâ


Amadou Hampâté Bâ est né en 1900 à Bandiagara, dans l’actuel Mali, au sein d’une famille peule aristocratique. Il fréquente d’abord l’école coranique de Tierno Bokar, dignitaire de la confrérie tidianiya qui demeurera son maître spirituel, avant d’être réquisitionné d’office pour l’école française à Bandiagara puis à Djenné. En 1921, il refuse d’intégrer l’école normale de Gorée et est affecté à Ougadougou (Haute-Volta, actuel Burkina Faso) en tant qu’« écrivain temporaire à titre essentiellement précaire et révocable »

Il occupera par la suite différents postes dans l’administration coloniale, jusqu’en 1942, date à laquelle il rejoint le professeur Théodore Monod à l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) de Dakar. Il y effectue des enquêtes ethnologiques et s’y livre à un important travail de recueil des traditions orales, ce qui l’amènera notamment à rédiger son premier livre, un ouvrage historique intitulé L’Empire peul du Macina (1955).

En 1960, à l’indépendance du Mali, Amadou Hampâté Bâ fonde l’Institut des sciences humaines de Bamako et représente son pays à la conférence générale de l’Unesco. L’année suivante, il devient membre du conseil exécutif de l’organisation internationale, au sein de laquelle il participera à l’élaboration d’un système unifié pour la transcription des langues africaines.

Son mandat à l’Unesco prenant fin en 1970, Amadou Hampâté Bâ se consacre davantage à la littérature et, en 1973, L’Etrange Destin de Wangrin lui vaut le grand prix littéraire d’Afrique noire. Retiré à Abidjan, l’ethnologue et écrivain, à qui l’on doit la célèbre phrase « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », se consacre au classement des archives accumulées durant sa vie sur les traditions orales d’Afrique de l’Ouest ainsi qu’à la rédaction des ses mémoires, qui seront publiées après sa mort, le 15 mai 1991.

A lire :
L’Empire peul du Macina, Nouvelles éditions africaines, 1955
Vie et enseignement de Tierno Bokar, Présence africaine, 1957
Kaïdara, récit initiatique peul, Julliard/Unesco, 1968
L’Etrange Destin de Wangrin, Union générale d’éditions, 1973
L’Eclat de la grande étoile, Armand Colin, 1974
Jésus vu par un musulman, Nouvelles éditions africaines, 1976
Amkoullel, l’enfant peul, Actes Sud, 1991
Oui mon commandant !, Actes Sud, 1994
Petit Bodiel et autres contes de la savane, Stock, 1994
Il n’y a pas de petite querelle : nouveaux contes de la savane, Stock, 1999


mardi 10 novembre 2009

Exposition sur « Présence africaine » au musée du quai Branly


Aujourd’hui s’est ouverte au musée du quai Branly, à Paris, une exposition consacrée à Présence africaine, la revue littéraire et culturelle fondée en 1947 par l’intellectuel sénégalais Alioune Diop, devenue également, deux ans plus tard, la maison d’édition que l’on connaît mieux aujourd’hui. Cette exposition, intitulée « Présence africaine : une tribune, un mouvement, un réseau », durera jusqu’au 31 janvier 2010.

Divisée en quatre sections présentant de nombreux ouvrages et documents d’archives, des photographies et quelques objets, des enregistrements sonores et audiovisuels, l’exposition donne à voir « l’émergence et l’influence d’un mouvement, d’une tribune pour la pensée et les revendications du monde noir à un époque où la majeure partie de l’Occident en avait une vision déformée, voir dépréciatrice ».

La première partie présente le contexte dans lequel la revue est apparue et les influences qui ont présidé à sa naissance : la presse noire de l’entre-deux-guerres – on pense à L’Etudiant noir, La Voix des Nègres ou encore La Revue du monde noir –, les mouvements noirs américains – la « Harlem Renaissance » –, la Négritude, les luttes anticolonialistes…

La deuxième partie présente le projet et les engagements de Présence africaine, et la façon dont Alioune Diop a réussi à fédérer tous les acteurs des diasporas noires, d’Aimé Césaire à Cheikh Anta Diop, mais aussi des soutiens du monde blanc tels que Jean-Paul Sartre ou André Breton.

La troisième partie revient sur les deux congrès des artistes noirs organisés par la revue, en 1956 et 1959. L’occasion d’évoquer les débats qui animaient le monde littéraire et intellectuel noir dans les années 1950-1960 : Guerre froide dans le monde, colonisation en Afrique, ségrégation raciale au Etats-Unis, apartheid en Afrique du Sud…

Enfin, la quatrième partie évoque l’action de Présence africaine en faveur de « l’art nègre », avec notamment l’organisation du premier Festival mondial des arts nègres, à Dakar en 1966.

Tous les détails ici.

Musée du quai Branly
37, quai Branly - Paris-7ème

dimanche 8 novembre 2009

Festival « Ecrivains d’Afrique : escales en Champagne-Ardenne »


Ce mois-ci, la littérature africaine est à l’honneur en Champagne-Ardenne. L’association Interbibly, agence de coopération entre les bibliothèques, les services d’archives et les centres de documentation de la région, y organise, du 12 au 25 novembre, un festival intitulé « Ecrivains d’Afrique : escales en Champagne-Ardenne » et ainsi résumé : « rencontres d’auteurs en bibliothèques et dédicaces en partenariat avec les librairies ».

Pour Delphine Quéreux-Sbaï, co-présidente d’Interbibly, il s’agit de proposer « des échanges Nord-Sud d’un autre genre, une façon originale de découvrir le continent africain, son histoire riche, son héritage complexe et sa vitalité créatrice ». C’est aussi, selon elle, « l’occasion pour nos bibliothèques de vibrer au rythme et aux couleurs d’une Afrique plurielle ».

Plurielle, la liste des auteurs invités l’est en effet. Seront présents des écrivains reconnus et d’autres qui gagnent à l’être :

- pour la Côte d’Ivoire, la scénariste de BD Marguerite Abouet (Aya de Yopougon, Gallimard, 2008) et l’écrivaine Véronique Tadjo (Ayanda, la petite fille qui ne voulait pas grandir, Actes Sud junior, 2007).
- pour l’Afrique du Sud, André Brink (Dans le miroir, Actes Sud, 2009).
- pour le Sénégal, Ken Bugul (Mes hommes à moi, Présence africaine, 2008) et Fatou Diome (Inassouvies, nos vies, Flammarion, 2008).
- pour le Cameroun, Gaston-Paul Effa (Nous, enfants de la tradition, Anne Carrière, 2008) et Gaston Kelman (Les Hirondelles du printemps africain, JC Lattès, 2008).
- pour le Congo-Brazzaville, Wilfried N’Sondé (Le Cœur des enfants léopards, Actes Sud, 2009) et Antoine Matha (Epitaphe, Gallimard, 2009) : à noter, ce dernier est le local de l’étape, puisque l’auteur a élu domicile à Reims.
- pour le Rwanda, Esther Mujawayo (La Fleur de Stéphanie, Flammarion, 2009).
- et enfin pour Djibouti, Abdourahman A. Waberi (Passage des larmes, JC Lattès, 2009).

Soit, au total, près de 40 rencontres avec onze auteurs originaires de sept pays, dans 24 petites et grandes bibliothèques des Ardennes, de l’Aube, de la Marne et de la Haute-Marne.

Le programme des rencontres et la liste des bibliothèques et librairies participantes est consultable sur le site d’Interbibly.




Et c’est bien connu, quand y’en a plus, y’en a encore ! et c’est du côté de Chaumont (Haute-Marne) qu’il faut aller chercher le petit supplément de ce festival, du 11 au 15 novembre. Pour être dans le même ton, le septième salon du livre de la ville a en effet adopté pour thème : « L’Afrique & les déserts ». Dédicaces, débats, lectures, contes, théâtre, mais aussi expositions, cinéma, musique… le programme est riche et dépasse le seul cadre de la littérature.

On retrouvera au salon du livre de Chaumont quelques-uns des auteurs participant au festival de Champagne-Ardenne : André Brink, Ken Bugul, Gaston-Paul Effa, Gaston Kelman, Wilfried N’Sondé et Abdourahman Waberi.

Pour plus détails, c’est par ici.

samedi 7 novembre 2009

Dany Laferrière lauréat du prix Médicis


L’écrivain haïtien Dany Laferrière a reçu mercredi 4 novembre le prix Médicis pour L’Enigme du retour (Grasset). Dany Laferrière a été récompensé au premier tour de scrutin par quatre voix contre une à Alain Blottière pour Le Tombeau de Tommy (Gallimard).

Dans L’Enigme du retour, résume l’éditeur, « on retrouve le personnage de l'écrivain qui ne fait apparemment rien que prendre des bains dans son appartement à Montréal. Un matin, on lui téléphone : son père vient de mourir. Son père qui avait été exilé d'Haïti par le dictateur Papa Doc, comme le narrateur, des années plus tard, l'avait été par son fils, le non moins dictatorial Bébé Doc. C'est l'occasion pour lui d'un voyage initiatique à rebours. Il part d'abord vers le Nord, comme s'il voulait paradoxalement fuir son passé, puis gagne Haïti pour les funérailles de son père. Accompagné d'un neveu, il parcourt son île natale dans un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui le mène sur les traces de son passé, de ses origines. Mais revient-on jamais chez soi ? »

Avec ce livre, Dany Laferrière est également sélectionné pour le prix Femina qui sera remis le 9 novembre.

L’Enigme du retour
de Dany Laferrière
Grasset, 2009

lundi 2 novembre 2009

Marie Ndiaye lauréate du prix Goncourt


Et le lauréat du prix Goncourt 2009 est… une lauréate ! D’origine franco-sénégalaise, Marie Ndiaye est la première femme à obtenir le plus prestigieux prix littéraire français depuis 1998. Son roman, Trois femmes puissantes (Gallimard), a été choisi au premier tour par le jury du Goncourt, par cinq voix contre deux pour Jean-Philippe Toussaint (La Vérité sur Marie, éd. de Minuit) et une pour Delphine de Vigan (Les Heures souterraines, JC Lattès).

Trois femmes puissantes, explique l’éditeur, est l’histoire de trois femmes, Norah, Fanta et Khady Demba, « qui disent non » et « se battent pour préserver leur dignité contre les humiliations que la vie leur inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible ». C’est aussi le premier roman dans lequel l’auteure évoque l’Afrique. C’est son douzième roman. Marie Ndiaye avait déjà remporté le prix Femina, en 2001, avec Rosie Carpe (éd. de Minuit).



Trois femmes puissantes
de Marie Ndiaye
Gallimard, 2009
316 p., 19 euros



Interlignes : NDiaye, Trois Femmes puissantes
envoyé par Curiosphere. - Regardez plus de courts métrages.

dimanche 1 novembre 2009

Paroles de… Mamadou Mahmoud N’Dongo


Je n’ai encore rien lu de Mamadou Mahmoud N’Dongo, mais ça ne devrait pas tarder. L’écrivain – français d’origine sénégalaise –, qui était samedi l’invité du musée Dapper, dans le cadre d’un week-end consacré à « Des hommes dans la ville », a déjà derrière lui quatre romans : L’Histoire du fauteuil qui s’amouracha d’une âme (L’Harmattan, 1997), L’Errance de Sidiki Bâ (L’Harmattan, 1999), Bridge Road (Le Serpent à plumes, 2006) et El Hadj (Le Serpent à plumes, 2008). Il est également cinéaste et photographe.

Né en 1970 à Pikine, au Sénégal, Mamadou Mahmoud N’Dongo a grandi à Drancy, en Seine-Saint-Denis. C’est de ce vécu que s’inspire son dernier roman, El Hadj, qui met en scène un homme qui tente de s’extraire de la cité, de se détacher des liens qu’elle tisse autour de ses habitants. L’auteur lui-même, s’il vit toujours à Drancy, s’est construit sa propre destinée en s’inscrivant, à l’âge de 20 ans, à des cours d’histoire de l’art et de cinéma, fuyant le déterminisme social qui voulait que l’éducation nationale l’oriente vers des filières techniques. C’est aussi la construction d’une bibliothèque en bas de chez lui, quand il avait 11 ans, qui l’a poussé à se construire un univers parallèle à la culture de cité.

El Hadj est écrit de manière très fragmentée, très cinématographique, de façon à « évoquer des choses en très peu de mots », dixit l’auteur. Le rappeur Rocé, qui a lu des extraits du roman au cours cette rencontre-débat du musée Dapper, ne dirait probablement pas autre chose de ses textes, dont il a livré une version a capella pour deux d’entre eux – dont « On s’habitue », dont je vous propose de visionner le clip plus bas.

Mais avant cela, la parole est à Mamadou Mahmoud N’Dongo, un « homme dans la ville » :



« CHEZ NOUS, CHEZ EUX »
La cité que décrit Mamadou Mahmoud N’Dongo est un monde a part, coupé du reste d’une société discriminante. Un milieu insulaire séparé du reste du monde physiquement et symboliquement – par un océan de codes et de références…

Mamadou Mahmoud N’Dongo : « La cité, c’est un no man’s land dont on ne sort pas. Aux Etats-Unis, les ghettos sont au centre-ville ; en France, on met en périphérie les gens dont on ne veut pas. Il y a un fort taux d’illettrisme, d’alcoolisme, de violence. Et on n’en sort pas. Il y a chez nous et chez eux. Aller à Paris, c’est l’expédition ; moi-même j’ai mis des années avant d’y aller.
« On crée nos propres règles. L’éducation nationale n’a pas droit de cité dans ce monde où l’on crée nos propres références, Mesrine et Scarface, et notre propre hiérarchie : quelqu’un de respectable, c’est quelqu’un qui va se faire en un jour, par quelque moyen que ce soit, ce qu’un smicard se fait en un mois.
« Mais il y a une autre partie de la cité qui veut intégrer la société française, laquelle est très discriminante. Malgré la devise « Liberté, égalité, fraternité », dans le réel, c’est à vous d’y aller. Dans cette perspective, l’élection d’Obama a fait beaucoup de bien en France, peut-être plus qu’aux Etats-Unis : son exemple montre que les références qu’on se donne, ce ne sont pas les bonnes. »


« LA FATALITE DE L’HERITAGE »
De la difficulté de concilier la culture d’origine et la culture de la cité, les liens d’appartenance communautaire et les échappées vers le reste de la société…

Mamadou Mahmoud N’Dongo : « Dans mon roman, rien que le prénom du héros, El Hadj, « le pèlerin », et son nom, Keita, c’est une fatalité, un héritage. El Hadj vient d’une grande famille africaine, les Keita – car en Afrique aussi il y a eu des empires, des systèmes de castes. C’est pour fuir cette fatalité que dans les cités, ils ont souvent des pseudos : pour se créer leur propre culture et, encore une fois, leurs propres références.
« Dans ma culture sénégalaise, je n’existe pas dans mon individualité, mais seulement dans un clan, une famille. Les Africains ont ramené ça dans la cité, où tout est affaire de liens de subordination et d’interdépendance. Si tu pars, tu risques de mettre en branle tout l’équilibre du clan. La communauté a été créée pour te retenir.
« Mon héros a les ressources intellectuelles pour observer ce phénomène et prendre de la distance. Il veut aller vers autre chose. Les autres se demandent pourquoi il les quitte. Eux sont très bien dans cette communauté. »


« LES VILLES, LIEUX DE MEMOIRE »
Mamadou Mahmoud N’Dongo a grandi à Drancy mais, dans le cadre d’une bourse Stendhal, il a aussi vécu à New York et, depuis un mois, il séjourne à Berlin. Pour l’écrivain, les villes portent les mémoires de ce qu’on a voulu en faire et de ce que les habitants y laissent.

Mamadou Mahmoud N’Dongo : « Les villes sont des lieux de passage mais aussi de fixation. Il y a ce qu’on veut en faire, mais il y a aussi les gens qui y vivent et qui vont laisser leur mémoire.
« Drancy, pendant l’Occupation, c’était un camp de transit, point de départ vers les camps d’extermination. Quand j’étais petit, en allant jouer au football, je voyais un wagon, et des vieux, avec de drôles de tatouages sur les avant-bras, qui venaient le voir… Il y a un atavisme : avant d’être une banlieue, Drancy était déjà un lieu de relégation. Savoir cela, ça vous pose, et ça vous fait aussi vous poser certaines questions : Quelle est la place de l’Autre ? Comment exclut-on l’Autre ?
« A New York, il y a une différence entre Manhattan, cosmopolite quartier d’affaires, et Brooklyn, où l’on trouve tout ce dont l’Amérique, les Américains, ne veulent pas : les Noirs, les Asiatiques, les homosexuels… Tandis qu’à Harlem, quartier noir autrefois réputé mal famé, il n’y a plus que des bobos, car l’ancien maire Rudolf Giuliani a voulu sécuriser et nettoyer la ville. Reste qu’à New York, marquée par le protestantisme pour lequel la richesse est le signe qu’on est élu de Dieu, avant d’être blanc ou noir, vous êtes d’abord et surtout riche ou pauvre… »


El Hadj
de Mamadou Mahmoud N’Dongo,
Le Serpent à plumes, 2008
293 p., 18 euros










Et comme promis, le clip de « On s’habitue », du rappeur Rocé, également invité à cette rencontre-débat du musée Dapper :



Rocé - On s'habitue
envoyé par germinho. - Clip, interview et concert.