Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

mardi 25 mai 2010

« Les Belles Choses que porte le ciel », de Dinaw Mengestu


Encore un roman sur l'exil, me direz-vous. Oui, encore. Mais puisque l'exil est un puissant moteur littéraire et qu'il dit beaucoup sur la terre quittée et, surtout, sur ceux qui y sont nés et y restent attachés, ne boudons pas notre plaisir et accordons quelques lignes aux Belles Choses que porte le ciel (2006), de l'écrivain américain d'origine éthiopienne Dinaw Mengestu.

Car si Stéphanos, Joseph et Kenneth ont fui respectivement l'Ethiophie, le Congo et le Kenya pour les Etats-Unis, ce n'est pas pour le plaisir. Et ce n'est pas un hasard si, lorsqu'ils se retrouvent au comptoir de la petite épicerie de Stéphanos, leur jeu préféré est d'égréner la litanie des despotes qui ont marqué au fer rouge l'histoire du continent africain. En ce qui concerne Stéphanos, justement, c'est la révolution de 1974 et le régime militaire qui suivit qui l'ont poussé vers la capitale américaine. Il vit dans un quartier noir et déshérité de Washington, où d'anciennes maisons bourgeoises sont laissées à l'abandon autour de la statue du général Logan qui surplombe la boutique.

Jusqu'au jour où une femme et sa fille s'installent dans la maison voisine de celle où Stéphanos loue un modeste appartement. Il fera bientôt leur connaissance et une vraie complicité s'installera entre lui, Judith et la petite Naomi, enfant espiègle et sérieuse à la fois. Il n'en faudra pas plus pour qu'ils se prennent tous trois à faire le rêve, si proche et pourtant intangible, que Stéphanos traverse la rue et fonde avec elles, la mère célibataire et la petite fille métisse, un nouveau foyer. Mais il est difficile d'accepter le bonheur quand il se présente devant soi avec tant d'apparente facilité, et alors même qu'on a derrière soi tant d'invisibles chaînes qui empêchent d'avancer.

De fait, Stéphanos, tout comme Joseph et Kenneth, est comme suspendu dans le temps, figé dans un interminable automne. Il gère tant bien que mal sa petite épicerie, parce qu'il faut bien vivre et qu'elle lui offre tout de même une confortable indépendance, mais ne fonde aucun projet sur elle, pas plus que sur autre chose. Et il retourne parfois chez son oncle, qui l'avait accueilli à son arrivée d'Ethiopie, pour y réveiller les fantômes du passé. De même, ses deux amis nourissent des ambitions qu'ils semblent avoir peur d'atteindre. L'un a empilé les diplômes pour finalement se résoudre à singer son patron. L'autre se rêve poète et réécrit inlassablement le même vers tout en sachant qu'il n'en sera jamais satisfait.

Dans ce roman tout en douceur et en nuances – le roux des briques ou le fauve des feuilles mortes –, Dinaw Mengestu peint avec beaucoup de sensibilité un tableau de l'exil où les couleurs du passé et le flou du futur se fondent dans un présent monochrome, avec çà et là de fugaces et réconfortants éclats. A l'image de ce passage de La Divine Comédie, de Dante, qui, décrivant la sortie de l'Enfer, donne au livre son titre : « Par un pertuis rond je vis apparaître / Les belles choses que porte le ciel / Nous avançâmes et, une fois encore, vîmes les étoiles. »

Les Belles Choses que porte le ciel
Titre original : The Beautiful Things That Heaven Bears (2006)
de Dinaw Mengestu
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Wicke
Albin Michel, 2007
303 p., 21,50 euros


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lundi 24 mai 2010

Mongo Béti


Alexandre Biyidi Awala est né en 1932 à Akométam, à 60 km de Yaoundé, au Cameroun. Après des études primaires à l'école missionnaire de Mbalmayo, il passe son baccalauréat en 1951 à Yaoundé et part en France pour y poursuivre des études supérieures de lettres, d'abord à Aix-en-Provence, puis à la Sorbonne, à Paris.

C'est au cours de ces années d'études qu'il entame son parcours d'écrivain, avec pour commencer la publication d'une nouvelle, « Sans haine et sans amour », dans la revue Présence africaine, en 1953. L'année suivante, il publie sous le même pseudonyme, Eza Boto, Ville cruelle, son premier roman. Mais c'est en 1956 que la parution du Pauvre Christ de Bomba, désormais sous le nom de Mongo Béti, le fait dénitivement remarquer. Description féroce et satirique de la présence coloniale en Afrique, ce roman la tonalité de l'oeuvre de Mongo Béti : une lutte radicale pour la libération des peuples noirs et contre le néo-colonialisme.

Par la suite, Mongo Béti mène de front carrières d'écrivain et d'enseignant. Professeur de lettres de 1958 à 1994 dans différents lycées français (à Rambouillet, Lamballe et Rouen), il publie une dizaine d'ouvrages, romans polémiques et essais engagés. Parmi ceux-ci, Main basse sur le Cameroun (1972) est censuré en France pendant quatre années, sous la pression du gouvernement camerounais . En 1978, il fonde avec son épouse Odile Tobner (aujourd'hui présidente de l'association Survie) la revue Peuples noirs, Peuples africains, publiée jusqu'en 1991.

En 1994, Mongo Béti rentre au Cameroun après trente-deux années d'exil en France. A Yaoundé, il fonde la Librairie des Peuples noirs. Après la publication de trois nouveaux romans, il meurt à Douala en 2001.

A lire (romans) :
Ville cruelle, Présence africaine, 1954 (signé Eza Boto)
Le Pauvre Christ de Bomba, Laffont, 1956
Mission terminée, Buchet/Chastel, 1957
Le Roi miraculé, Buchet/Chastel, 1958
Perpétue ou l'Habitude du malheur, Buchet/Chastel, 1974
Remember Ruben, L'Harmattan, 1974
La Ruine cocasse d'un polichinelle, Peuples noirs, 1979
Les Deux Mères de Guillaume Ismaël Dzewatama, Buchet/Chastel, 1983
La Revanche de Guillaume Ismaël Dzewatama, Buchet/Chastel, 1984
L'Histoire du fou, Julliard, 1994
Trop de soleil tue l'amour, Julliard, 1999
Branle-bas en noir et blanc, Julliard, 2001


Sources : Grioo.com, AuteursContemporains.info, Africultures, Peuples noirs-Peuples africains, Homnisphères.

dimanche 9 mai 2010

Florent Couao-Zotti lauréat du prix Ahmadou-Kourouma


Au fait, j'avais oublié de vous dire (je manque à tous mes devoirs). Fin avril, le salon de livre de Genève a décerné le prix Ahmadou-Kourouma 2010, un prix qui récompense chaque année un ouvrage, essai ou fiction, consacré à l’Afrique subsaharienne. Et c'est l'écrivain béninois Florent Couao-Zotti qui l'a remporté cette fois-ci, avec son polar Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au porc de le dire. Ci-dessous, le résumé du livre l'interview de son auteur sur TV5 devraient finir de convaincre ceux que le titre fait déjà saliver – et j'en fais partie.

Présentation de l'éditeur :
Il y a d'abord une miss, belle et longiligne, qu'on retrouve mutilée sur la berge de Cotonou. Il y a ensuite une autre galante, toute aussi irrésistible, qui vient proposer à un homme d'affaires libanais d'échanger de l'argent contre une valise de cocaïne. Il y a enfin un détective privé, contacté par une troisième chérie, qui voudrait un acquéreur pour la même poussière d'ange... Mais les nuits à Cotonou ont de multiples saveurs, qu'elles proviennent des fantômes teigneux, des amazones ou des populations elles-mêmes. Des gens qui aiment se rendre justice et charcuter au couteau tous ceux qui, dans leurs quartiers, sont surpris en flagrant délit de « pagaille nocturne ».

Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au porc de le dire
de Florent Couao-Zotti
Le Serpent à plumes, 2010
202 p., 16 euros