Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

mardi 22 juin 2010

« Le Piment des plus beaux jours », de Jérôme Nouhouaï


Une écriture pimentée comme les dialogues d'un album d'Aya de Yopougon, une intrigue lumineuse comme la lune sur les nuits agitées de Cotonou : Le Piment des plus beaux jours (2010), première oeuvre de l'écrivain béninois Jérôme Nouhouaï, est une belle surprise. Non, ce n'est pas le roman de l'année, mais cette fiction légère et bien emmenée tient en haleine et, sous une apparence de superficialité, brasse des enjeux plus profonds qu'il n'y paraît.

Nelson est étudiant en deuxième année de droit à l'université d'Abomey-Calavi, à quelques minutes de « zém » de la capitale. Il partage un deux-pièces avec deux camarades : Jojo, coureur de jupons invétéré qui ne pense qu'à ramener des filles au nez et à la barbe du propriétaire, et Malko, intellectuel panafricain très remonté contre les Libanais qu'il accuse d'exploiter, de piller, bref de parasiter le pays. Nelson, lui, songe à ses examens, de moins en moins, et à Josiane, l'intouchable fille d'un ex-ministre, de plus en plus...

Alors qu'à la fac il redouble d'audace pour séduire celle qu'il lui faut à tout prix posséder, celle à laquelle il adresse en pensées des poèmes enfiévrés où la grivoiserie le dispute au lyrisme, la radio distille de sombres nouvelles – une vague d'attentats s'abat sur la communauté libanaise du pays – et Malko se fait de plus en plus rare à l'appartement... Dans l'esprit de Nelson tourmenté par la belle Josiane, un lien de cause à effet se précise peu à peu et, décidément, les examens deviennent définitivement le cadet de ses soucis.

Plusieurs choses dans ce roman. Plaisant à lire, certes, et truffé de trouvailles linguistiques. Mais sur le fond aussi, Le Piment des plus beaux jours se révèle intéressant à plus d'un titre. D'abord, le message, explicite : Jérôme Nouhouaï met en garde contre la xénophobie latente au sein de la société béninoise et qui, insidieusement, gagne du terrain. Quand ce ne sont pas les Libanais qui en prennent pour leur grade, ce sont les Ibos venus du Nigeria voisin qui sont suspectés de tous les crimes et délits.

Second point qui a retenu mon attention : Le Piment des plus beaux jours met en scène avec une rare précision la classe moyenne qui émerge au sud du Sahara. A ma connaissance, peu de romans africains se sont autant inscrits dans le quotidien de cette partie de la population qui, dans chaque grande ville du continent, monte en puissance. Ce qui fait de ce livre une oeuvre résolument contemporaine, ancrée dans son époque, susceptible d'interpeller un large lectorat : chacun y trouvera des résonances avec son propre vécu.

De fait – et l'emploi de la première personne n'y est pas étranger –, on s'identifie très facilement à Nelson, étudiant plus ou moins insouciant qui ne cherche qu'à profiter de ses belles années, étudie le jour, fait la fête la nuit et travaille sur son temps libre pour arrondir les fins de mois. Avec cependant des enjeux bien spécifiques : tentation de l'Occident, émancipation des femmes, démocratisation du savoir... D'autres personnages interviennent, qui nuancent ou précisent les préoccupations, les désirs et les horizons de cette frange, pas encore dorée, plus tout à fait désargentée, de la jeunesse béninoise.

Le Piment des plus beaux jours
de Jérôme Nouhouaï
Le Serpent à plumes, 2010
338 p., 19 euros

lundi 14 juin 2010

Dinaw Mengestu


Dinaw Mengestu est né en 1978 à Addis-Abeba, en Ethiopie. Deux ans plus tard, sa famille quitte le pays, fuyant le régime dictatorial de Mengistu Haile Mariam, et part s'installer en banlieue de Chicago, aux Etats-Unis.

Après des études d'anglais à l'université de Georgetown (Washington), Dinaw Mengestu décroche un diplôme en littérature à l'université de Columbia (New York). Il devient alors professeur d'anglais à Georgetown, et travaillera également comme journaliste pour divers journaux : Harper's, The Wall Street Journal, Rolling Stone (avec notamment un reportage sur le Darfour)...

Les Belles Choses que porte le ciel, livre aux accents autobiographiques et sociaux publié en 2006, est son premier roman. En France, il a obtenu le prix du Roman étranger 2007.

A lire :
Les Belles Choses que porte le ciel, Albin Michel, 2007

Sources : Wikipedia, LeChoixDesLibraires.com

dimanche 13 juin 2010

Mort de Ferdinand Oyono


L'écrivain et homme politique camerounais Ferdinand Léopold Oyono a trouvé la mort, jeudi 10 juin à Yaoundé, à l'âge de 80 ans. Victime d'un malaise à l'issue d'une cérémonie officielle donnée en l'honneur du sécrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, au palais d'Etoudi, il s'est effondré devant la voiture qui devait le raccompagner chez lui et s'est éteint alors qu'on le transportait vers l'hôpital général.

Né en 1929 à Ebolowa, au Cameroun, Ferdinand Oyono s'est successivement distingué dans les domaines des lettres et des affaires publiques. Diplômé en droit à la Sorbonne et en diplomatie à l'Ecole nationale d'administration (ENA), après des études secondaires à Yaoundé et Provins, il se fait d'abord remarquer par son activité littéraire, avec trois romans publiés à la fin des années 1950, alors que la colonisation touche à sa fin.

Une vie de boy (1956), Le Vieux Nègre et la Médaille (1956) et Chemin d'Europe (1960), mettent en cause le système colonial en vigueur au Cameroun – et plus généralement en Afrique – : pratiques autoritaires de l'administration, manipulations des missionnaires, mépris vis-à-vis des colonisés... Son oeuvre, tour à tour drôle et grinçante, le place aux côtés des grands écrivains engagés de l'époque, tels Sembène Ousmane ou Mongo Béti, dont la démarche s'incrit dans une vision dynamique de l'histoire.

Une démarche volontariste que Ferdinand Oyono fera véritablement sienne en menant dès 1959 une brillante carrière de haut fonctionnaire au service du Cameroun : ambassadeur dans plusieurs pays ainsi qu'auprès de l'ONU à New York, puis ministre des Affaires étrangères et ministre de la Culture. Cette activité d'homme politique prendra le pas sur l'écriture jusqu'à la mort de Ferdinand Oyono, cinquante ans après la publication de Chemin d'Europe.

A lire :
Une vie de boy, Julliard, 1956
Le Vieux Nègre et la Médaille, Julliard, 1956
Chemin d'Europe, Julliard, 1960

Sources : Jeuneafrique.com, Africultures